"L'essence même d'un leadership inspirant est de développer d'autres leaders ou collaborateurs."
Dans un blogue récent, j'ai parlé de l'importance d'être des communicateurs efficaces pour les leaders. Je constate dans ma pratique de coaching et de formation plusieurs défis notamment au niveau de la rétroaction (ou feedback, en anglais). Plusieurs leaders, par souci de préserver une bonne harmonie, se sentent mal à l'aise dans la formulation d'une rétroaction adéquate surtout si elle soulève des éléments négatifs ou difficiles à discuter. Qu'on le veuille ou non, la rétroaction est continuellement présente et constitue un outil essentiel pour les leaders dans toutes les formes des communications quotidiennes incluant la gestion des conflits. Elle permet de réagir et de partager une information "en retour" à notre interlocuteur qui le renseigne sur nos réactions pour les sujets discutés. Cette rétroaction, qu'elle soit positive ou critique, permet d'améliorer et de réguler la communication ou certaines situations spécifiques. Elle permet aussi de renseigner un collaborateur sur ses actions antérieures dans le but de les renforcer ou de les corriger. La rétroaction contribue, entre autres, à la satisfaction, la motivation et l'amélioration de la performance des collaborateurs. Elle doit être basée sur des objectifs reconnus, être constructive, claire, et aussi aidante que possible. Les leaders doivent adopter une attitude affirmative, promouvoir un climat d'ouverture et de sécurité psychologique tout en préservant l'estime de leurs collaborateurs. Cela les aide à réduire les réactions défensives. La confiance, la pertinence de l'information et la crédibilité sont autant de facteurs qui viendront aussi influencer le processus de rétroaction.
Comment faire une rétroaction constructive et efficace? La rétroaction positive permet de renforcir les comportements jugés désirables. Elle répond à un besoin de reconnaissance, de motivation et de valorisation personnelle. La rétroaction critique vise essentiellement à modifier un comportement non-désirable ou une performance inefficace. Cette rétroaction est plus exigeante au niveau communicationnel car elle suscite des réactions de défense. L'important, dans ces situations, est d'avoir une intention constructive c'est-à-dire d'être orienté sur l'amélioration tout en évitant les critiques ou les jugements. Le secret d'une bonne rétroaction est la combinaison de plusieurs ingrédients clés supportés par de bonnes habiletés et techniques communicationnelles:
1- Reconnaissez votre niveau d'inconfort: Non seulement, les leaders doivent faire preuve de courage managérial pour avoir des conversations difficiles, mais ils doivent reconnaître leurs forces et leurs difficultés pour s'améliorer. Posez-vous les questions suivantes: Quelles sont les difficultés et les inconforts rencontrés? Dans quelles circonstances? Pourquoi? Quels sont les éléments à travailler? Que pouvez-vous faire pour les améliorer? Quelles sont les forces à utiliser? Au besoin, cibler les moyens les plus appropriés pour vous développer (formation, coaching, pratique, lectures etc.). ou utiliser les services d'experts reconnus à l'interne pour vous épauler (conseillers RH).
2- Gérez vos craintes ou vos inconforts: Les conversations difficiles de la rétroaction critique représentent parfois des risques ou conséquences plus ou moins heureuses pour vous, vos collaborateurs ou votre organisation. Nommez vos craintes ou vos inconforts pour les démystifier et en diminuer les effets (gêne, malaise, peur de blesser, colère, anxiété, etc.). Surtout évitez de remettre inutilement à demain car une rétroaction efficace doit être faite le plus rapidement possible. Voyez-la comme une opportunité d'amélioration, une possibilité d'aider vos collaborateurs à se développer ainsi qu'une façon de gagner leur respect et leur confiance.
3- Préparez-vous: Ne réagissez pas à "chaud"! Tout d'abord, pensez à ce que vous voulez communiquer (De quoi s'agit-il? Quels sont les impacts?) et déterminer dans quel état d'esprit vous êtes. Prendre le temps de vous préparer est indispensable pour mettre de l'ordre dans vos idées, vos émotions, vos informations et vos intentions. Ce recul permet d'être plus objectif face à la situation. Ensuite, préparez votre canevas d'intervention en tenant compte de ce que vous voulez dire et des réactions potentielles de votre collaborateur. Cela vous aidera à vous sentir plus en confiance afin d'aborder la rétroaction avec assurance. Puis, choisissez le temps, le lieu et le moment approprié pour donner la rétroaction en privé.
4- Communiquez en utilisant les 10 principes d'une rétroaction efficace:
Porter une attention particulière à votre langage verbal et non-verbal pour en maximiser la congruence. Si approprié, demander à votre interlocuteur s'il est disposé à recevoir le feedback.
Donner le feedback le plus rapidement possible après l'événement en utilisant les situations récentes.
Donner une rétroaction claire, spécifique et descriptive avec des éléments observables et vérifiables. Éviter les attitudes punitives ou les critiques affectant le caractère constructif de la rétroaction. Exemple: "J'ai constaté que le nombre de plaintes clients de mars pour ta prestation de service avait augmenté de 15% versus les mois précédents. Qu'est-ce qui justifie cette augmentation? plutôt que "Tu as donné une mauvaise prestation de service au mois de mars."
Utiliser les faits concrets plutôt que les interprétations ou les opinions. Exemple: "J'ai remarqué que tes résultats du mois étaient 10% moins que prévus et je voulais en discuter avec toi." plutôt que "Tu ne sembles pas bien aller ces jours-ci, tes résultats du mois en souffrent terriblement".
Éviter d'accuser ou d'attaquer la personne (utilisation "tu"), souligner plutôt les comportements et les impacts observés. Exemple: "J'ai observé plusieurs retards à nos quatre dernières réunions ce qui a retardé l'équipe dans la progression des dossiers." plutôt que " Dernièrement, tu es toujours en retard à nos réunions."
Limiter votre feedback sur les besoins et les bénéfices de votre rétroaction sur l'autre. Éviter les débordements émotionnels, concentrez-vous sur les réactions possibles.
Partager des idées et de l'information en questionnant votre interlocuteur sur ce qui est arrivé et les solutions possibles à envisager. Ne donner pas de conseils, impliquer plutôt l'autre en le responsabilisant dans la recherche et l'implantation de solutions. Exemple: "J'aimerais comprendre les problèmes rencontrés avec les échéanciers du projet, qu'est-ce qui s'est passé? Comment vois-tu la situation? Qu'est-ce que tu aurais pu faire différemment pour régler la situation?" plutôt que "Pour les problèmes avec les échéanciers du projet, tu devrais prendre cette action pour régler la situation."
Durant la rétroaction, valider la compréhension de votre interlocuteur grâce à l'écoute active ou au questionnement, surtout s'il demeure silencieux. Exemple: Qu'est-ce que tu en penses? Comment réagis-tu à cela?
Discuter des prochaines étapes et suivre les progrès du plan d'action.
En cas de contestation, demeurer calme et valider votre compréhension des commentaires reçus. Ajuster votre rétroaction en conséquence en évitant la confrontation ou l'escalade des émotions.
5- Pratiquez-vous: La pratique quotidienne contribue à développer votre aisance et votre facilité à communiquer. De plus, elle vous aide à observer les réactions et à évaluer les impacts de vos rétroactions pour vous ajuster au besoin. Petit truc pour les débutants: pour vous aider à donner de la rétroaction, commencer d'abord par utiliser la rétroaction positive quotidiennement autour de vous, comme par exemple: Qu'est-ce que vous aimez? Que vous voulez souligner?. Par la suite, vous pouvez utiliser une combinaison de rétroaction positive et critique en utilisant les questions suivantes: Qu'est-ce que j'ai aimé de la situation? Qu'est-ce que j'aurais fait différemment? Une fois que vous avez atteint un certain niveau d'aisance alors n'hésitez pas à donner des rétroactions efficaces selon les principes énoncés.
N'oubliez pas que la maîtrise de la communication vient avec le temps et la pratique, alors après chaque rétroaction, procédez à votre propre analyse sur les éléments positifs et ceux à améliorer pour la prochaine rétroaction.
Louise Leroux, Tous droits réservés.
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Notes sur l'auteure: Louise Leroux est consultante en gestion, formatrice agréée et coach professionnelle certifiée (ICF). Elle est titulaire d'un M.B.A. et B.A.A. ainsi que d’une certification P.C.C en coaching. Auteure du livre Bonheur et Leadership, elle enseigne aussi comme chargée de cours en management à HEC Montréal et comme formatrice au Carrefour de perfectionnement de la Polytechnique à Montréal. Site WEB: www.louiseleroux.com
Sources:
- Cormier, Solange, La communication et la gestion, 2ième édition revue et corrigée, Presses de l’Université du Québec, 2006, 247 p.
- Revue Gestion HEC, Le courage de la rétroaction, http://www.revuegestion.ca/agir/le-courage-de-la-retroaction/